« Ces images nous viennent d’une époque d’espoir, d’activisme et de tragédie. Dans les années 1980, je faisais partie d’une jeune génération de photographes qui documentaient le combat contre l’apartheid en Afrique du Sud. En 1990, j’ai laissé un carton de négatifs et de diapositives entreposés à Johannesburg et, dans la foulée, je les ai oubliés.
Il y a quelques années, je les ai récupérés et j’ai découvert qu’au fil des ans, le carton avait pris la pluie, les premières couches de son contenu avaient été touchées par l’humidité et la moisissure. Pour moi, ce processus de décomposition révélait quelque chose de puissant, de significatif : la dégradation des négatifs pourrait-elle refléter la manière dont la mémoire de ces événements cruciaux, ainsi que l’idéalisme de cette époque, s’estompent ?
Ce qui m’a frappé, c’est le fait que les images portent toujours le pouvoir des scènes que j’ai documentées il y a tant d’années, la façon dont elles ont été abîmées semble amplifier cette énergie. La seule chose que j’ai faite sur ces images, c’est élargir le cadre et reconsidérer ce qui peut être inclus ou laissé de côté dans l’image finale.
Au début de mon voyage photographique, le voyage d’une vie, j’ai fait l’expérience de nombreux événements intenses et traumatisants. Mais j’ai choisi de ne pas prendre le temps de les “digérer”, psychologiquement. Comme ces négatifs, je les ai mis de côté. Alors, ce rapport avec une version déformée, nébuleuse de ma mémoire reflète une reconnexion personnelle avec mon histoire. D’un point de vue contemporain, cela rappelle aussi que dans des moments qui nous semblent terribles, sans aucun espoir, les choses peuvent changer d’une manière qui nous surprend. »
Avec le soutien de la Brittany Ferries