CAROLINE RUFFAULT ^(FR)

The Sky is Bigger in Texas est une recherche visuelle sur la disparition du paysage lié à l’usage de la voiture et aux catastrophes écologiques qu’elle engendre dans le bassin permien, au nord du Texas. Seule au volant, l’artiste voit défiler les images à travers le pare-brise ; des photographies intérieures qui se superposent aux clichés iconiques de l’Ouest américain : les grands espaces, les plans larges du cinéma hollywoodien, les visions romancées de l’exploration. Ce voyage initiatique, tout en étant le sien, la pousse à déconstruire l’image glamour du road-trip. Derrière ces cartes postales se cache une autre réalité : celle d’un territoire marqué et transformé. Les paysages que l’on consomme à travers les magazines et les réseaux sociaux ont pour contrechamp des terres mutilées par l’extraction pétrolière, des puits de forage, des routes traçant leur empreinte à travers des espaces autrefois vierges. Ces visions idéalisées, paradoxalement, contribuent à leur propre destruction. Tel le Stalker de Tarkovski, Schuyler Wright, un rancher rencontré lors d’une résidence à Marfa, la guide à travers ses terres, révélant un paysage ravagé par l’exploitation pétrolière. Les pompes sont des seringues drainant un sang noir et visqueux. Le paysage est rongé par des milliers de forages, recrachant ailleurs une eau polluée comme un gruyère sous pression. Un cycle infernal où les rivières se sont asséchées, où le sol s’affaisse et où les champs sont devenus des lacs chimiques. En immergeant ses pellicules dans l’eau de production du gaz de schiste, l’artiste superpose la réalité de la destruction aux images fantasmées ; confrontant ainsi la mémoire visuelle collective à l’effacement tangible du territoire.