Dans le sillon des pensées et engagements de Naomi Klein, Baptiste Morizot, Alain Damasio qui accompagnent sa pratique artistique, Lise Gaudaire développe une œuvre inséparable des écosystèmes, des réalités environnementales, du monde paysan de son enfance et des révoltes « grondissantes » qui en surgissent.
Même si elle intègre une dimension politique, socio-économique et géographique, la photographie, ici, n’est pas dans son rôle documentaire. Les œuvres de l’artiste ne s’inscrivent pas dans une critique, une dénonciation mais portent un engagement tout autant que des fictions. Elle manipule sa chambre photographique 4×5 pouces et son micro sur des territoires façonnés par l’homme, sur les zones agraires et les terres forestières que peu considèrent. Elle est attentive à la rudesse, à la discrétion de ces milieux et elle s’en détache avec ses projets « Oasis » et « Île » menés en Espagne. Loin de chez elle, sa retenue face au monde agricole qu’elle connaît bien s’estompe ; pas la tendresse qu’elle délivre à ceux qu’elle croise. Le travail et le geste artistiques passent aussi par ce temps : celui des rencontres, de l’apprivoisement mutuel, des moments d’excitation et de doutes quand la légitimité de l’auteur est mise à l’épreuve par la réalité dure des objets abordés. Avec délicatesse, ses photographies et écrits parlent d’espoir, évoquent le passage de l’insensibilité à la sensibilité. Il n’est plus possible aujourd’hui pour l’Humanité de faire comme si elle ne savait pas, de rester insensible aux outrages qu’elle fait subir au reste du Vivant. « Île » révèle la puissance de la vie après l’abattement et suggère l’utilisation des colères et de l’indignation comme des leviers optimistes.