Musée des Beaux Arts
4 vidéos sont projetées tous les jours de 14 à 18h dans les espaces du musée (sous réserve des contraintes imposées par les autres éléments de la programmation).
Entrée libre
Qu’est-ce à proprement parler que l’urgence ?
Comment les artistes plasticiens traduisent-ils cette notion dans leurs œuvres ? En écho au tableau de Léon Coignet Le Massacre des innocents, un des nombreux exemples en peinture « de ce qui requiert une action, une décision immédiate », 4 vidéos de 4 artistes contemporains mettent le doigt sur le sentiment de vitesse inéluctable lié au monde contemporain. Elles mettent en scène des gestes dictés par la société du spectacle : on monte, on descend, comme des pantins désarticulés et désorientés. Elles soulignent notre soif de déplacements toujours plus rapides, dont l’aéroport est le symbole. Elles parlent d’urgence politique en rejouant une scène révolutionnaire de rue dont l’issue n’est peut-être pas celle attendue.
Ces 4 vidéos ont en commun de s’appuyer sur deux procédés esthétiques opposés et propres à l’image animée : l’accéléré et le ralenti. Loin d’être une illustration littérale de la notion d’urgence, elles interrogent notre rapport au temps : le temps long de l’histoire, le temps frénétique de nos mouvements quotidiens, le temps de se laisser hypnotiser par ces 4 œuvres courtes dans un moment pour soi.
Mark Wallinger (GB)
Threshold to the Kingdom [L’entrée au paradis], 2000
Vidéoprojection sonore en couleur
11 minutes, 12 secondes
Collection Isabelle et Jean-Conrad Lemaître
Threshold to the Kingdom met en scène, au ralenti, des voyageurs arrivant à l’aéroport de Londres sur une musique du 17e siècle, un Miserere composé sur le 51e psaume de la Bible par Gregorio Allegri (v.1582-1652). Tournée en une seule prise depuis une position fixe, la vidéo propose une vue frontale de la porte des arrivées internationales, entourée de grandes plantes vertes en pot. Pendant 11 minutes, les portes automatiques opaques s’ouvrent et se ferment sur les passagers et membres d’équipage. Le ralenti donne une dimension fantomatique, irréelle à tous les personnages. Le sentiment de temps suspendu contraste avec la frénésie qui règne habituellement dans les lieux de passage comme les aéroports, dont la raison d’être est au contraire liée à la vitesse des déplacements dans l’espace.
Mark Wallinger est né en 1959 à Chigwell, il vit et travaille à Londres. En 2001, il représente son pays à la Biennale d’art contemporain de Venise. En 2007, il est lauréat du prestigieux Prix Turner avec une œuvre intitulée State Britain, installation qui reproduit scrupuleusement le campement de Brian Haw devant le parlement britannique, un militant pacifiste qui dénonçait les sanctions économiques de l’ONU contre l’Irak, touchant notamment les enfants.
Jonas Mekas (LTH)
Notes on the Circus [Notes sur le cirque], 1966
Film 16 mm transposé sur format numérique
12 minutes
Courtesy RE : VOIR
Notes on the circus offre un regard singulier sur le cirque Ringling Bros que Jonas Mekas commente lui-même ainsi : « Ringling Bros. Filmé en 1966, périodes (cirque à trois pistes), couleurs, mouvements et mémoires d’un cirque. Monté dans la caméra (un exercice de structuration instantanée). Musique de la Jug Band de Jim Kweskin (on peut aussi le regarder silencieusement). Dédié à Kenneth Anger qui m’a fourni une provision de films Ektachrome dans l’un de mes nombreux moments difficiles. »
Jonas Mekas Jonas Mekas est né en 1922 en Lituanie et décédé en 2019 à New York. C’est un réalisateur, écrivain, et figure marquante du cinéma underground. Auteur de 32 films et de 20 ouvrages dont 7 recueils de poésie, il a cofondé la première coopérative au monde de diffusion du cinéma indépendant et expérimental, The Film-Makers’ Cooperative, en 1962 et l’Anthology Film Archives en 1970. Ayant popularisé la forme du journal filmé, il reçoit en 2013 le prix de l’Âge d’or qui a pour objectif de soutenir les films poétiques et subversifs.
Christina Lucas (SP)
La liberté raisonnée, 2009
Vidéoprojection en couleur et sonore
4 minutes, 50 secondes
Collection Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem), Marseille
La Liberté Raisonnée est une traduction sous forme de film du célèbre tableau de Delacroix La Liberté guidant le peuple (1830, Musée du Louvre). La figure féminine dénudée apparait au milieu d’hommes en habits. Elle peut sembler être leur égérie dans un premier temps mais finit par être leur victime. Cristina Lucas offre ainsi une relecture féministe et critique d’un des tableaux les plus évocateurs des valeurs républicaines françaises (au point d’avoir servi pendant plusieurs décennies d’effigie de la République sur le timbre postal). La musique dramatique et le ralenti de l’image donnent l’illusion d’un temps suspendu mais servent paradoxalement le propos de l’artiste, revendiquant une urgence politique.
Cristina Lucas est une artiste espagnole née en 1973 à Jaén. Elle vit et travaille à Amsterdam et à Madrid. Son travail est consacré à la question du pouvoir, à ses mécanismes et à l’histoire considérée sur le temps long. Elle s’attache à déconstruire les récits ou les mythes sur lesquels se fondent nos sociétés ou les institutions structurantes comme l’État ou la religion. Elle cherche ainsi à faire apparaître les contradictions qui existent entre les histoires officielles, l’histoire réelle, et la mémoire collective.
Maria Marshall (GB/SWZ)
10000 Frames [10000 images], 2004
Film super 8 transféré en mini DV, couleur et son
Courtesy Maria Marshall et Bugada & Cargnel, Paris
10000 Frames est une référence explicite au nombre d’images par seconde dans la technique du film super 8 utilisée pour tourner ce film. Il rend compte d’un voyage aller-retour entre Londres et le parc Disney de Floride aux États-Unis, réalisé par Maria Marshall, accompagnée de deux enfants. Le film résume en quelques minutes un voyage de six jours. Le mode accéléré des images et des commentaires en voix off de l’artiste évoquent un rythme effréné, en apparente contradiction avec la détente attendue d’un temps de loisir.
Maria Marshall est une artiste anglaise née à Bombay en Inde en 1966. Elle vit et travaille à Londres. Diplômée en sculpture au Wimbledon College of Arts à Londres, elle a également étudié à la Chelsea School of Art à Londres, ainsi qu’à la Haute École d’art et de design de Genève. Connue pour ses œuvres vidéo, ses films tournent souvent autour du monde de l’enfance, y projetant des préoccupations d’adultes. Tout son travail traite de l’ambiguïté que peuvent susciter des ambiances simultanément oniriques et angoissantes.
Projections du 17 novembre 2023 au 07 janvier 2024
Entrée libre
Musée des Beaux-Arts de Rennes